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dynamite et des autres explosifs que l’industrie peut employer sans danger sont de deux ordres : militaires et industrielles. En effet, les explosifs ne sont pas uniquement utilisés pour des œuvres de destruction et de guerre. Ils servent à exécuter des travaux d’excavation et de déblayement, qui seraient impossibles sans leur secours. Si bien que la dynamite, cet agent de destruction, est devenu, en fait, un des plus puissants auxiliaires de la civilisation moderne.

C’est ce double emploi des explosifs qui doit maintenant nous occuper.

Nous traiterons d’abord des emplois militaires des explosifs, ensuite de leurs emplois dans l’industrie.

emplois militaires des explosifs.

Dans l’armée, la dynamite est le seul explosif adopté. La dynamite sert aujourd’hui à deux usages : 1o pour le chargement des obus, 2o pour la destruction rapide d’obstacles de nature diverse.

Chargement des obus. — Dans la lutte aujourd’hui engagée entre le navire-cuirassé et le canon, entre le rempart et l’obus, c’est la poudre qui joue le rôle essentiel. À force d’augmenter la puissance de nos grosses pièces d’artillerie de terre, de côte et de marine, nous sommes arrivés à d’étranges contradictions : nous fabriquons des plaques de blindage, qui ont 50 centimètres d’épaisseur ; mais nous possédons des canons de 100 tonnes, dont les projectiles trouent ces mêmes plaques ; l’Italie a même fait construire, par l’usine Krupp, des canons de 121 tonnes, qui sont destinés à la défense des côtes. Marchera-t-on indéfiniment dans cette voie vertigineuse ? Continuerons-nous à faire des canons dont chaque coup revient au prix de 1 000 à 2 000 francs ? C’est ce que nul ne saurait dire aujourd’hui : le problème paraît même insoluble.

Il est naturel que l’on ait pensé à utiliser la dynamite et quelques autres explosifs pour charger des obus, qui, en éclatant, démoliraient et les cuirasses métalliques des navires et les murs mêmes de l’intérieur des forts, ainsi que les talus de terre.

Dès 1874, les Italiens avaient un obus-torpille, qui pesait 75 kilogrammes, et qui contenait 8 kilogrammes de substance explosive. Ce projectile était lancé par l’obusier rayé de 22 centimètres, se chargeant par la bouche. À l’usine Krupp, on étudiait, presque à la même époque, un obus à fusée, en acier, à faibles parois, et qui, pour un poids total de 21 kilogrammes, renfermait 14 kilogrammes de poudre. D’autre part, l’usine Gruson, à Buckau (Allemagne), fabriquait des obus avec disques de poudre comprimée, où le feu se propageait à la fois dans tous les sens. On n’avait songé jusque-là qu’à concentrer l’action brisante de la poudre : l’heure de la dynamite allait sonner.

Et quand on connaît les effets formidables produits par des pétards de dynamite isolés, déposés près d’une voie ferrée, ou sous un pont en pierre, on est tout surpris que l’artillerie n’ait pas pensé plus tôt à se servir de la dynamite pour emplir ses projectiles, et pour centupler leur puissance de destruction. C’est qu’il y avait deux sérieuses difficultés : d’abord, charger l’obus, et le transporter, sans s’exposer à des éclatements prématurés, dont les conséquences devaient être désastreuses ; puis, régler la fusée de l’obus de telle façon qu’il ne fît explosion qu’au moment propice. Or, quel est le moment propice ? Il faut que l’obus, avant l’explosion, ait pénétré profondément dans le talus du fort que l’on se propose de détruire, dans le mur que l’on cherche à démolir. S’il éclate à la surface de l’obstacle, il ne détermine que des dégâts insignifiants.

En Allemagne, en Italie, en Russie, l’artillerie se sert de bouches à feu courtes, qui se rapprochent des mortiers ; et elle emploie des obus d’un poids énorme, qui sont