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tier ; car les pièces de 14 et 10 centimètres de nos petits navires étaient impuissantes pour le détruire ; le Duguay-Trouin et la Triomphante, dont les gros canons auraient été nécessaires pour cette besogne, ne pouvaient remonter jusqu’à ce point de la rivière.

Cependant, il fallait se défendre d’un retour offensif des Chinois qui, dans le but de nous couper la retraite, accumulaient les obstacles en aval de la pointe de la Pagode. Nos marins surmontèrent toutes ces difficultés. À mesure que l’escadre descendait la rivière Min, en chaque point où elle rencontrait des batteries chinoises, la grosse artillerie de la Triomphante et du Dugay-Trouin commençait l’attaque, en battant méthodiquement chaque partie de l’ouvrage ennemi, et mettant successivement chacune de ses embrasures ou de ses pièces hors de service. Les canons de 14 centimètres de nos autres vaisseaux, appuyaient l’attaque ; enfin, sous la protection des petites pièces à tir rapide et des salves de mousqueterie de nos canonnières, une partie des compagnies de débarquement étaient jetées à terre, et tenaient en échec les troupes chinoises, pendant qu’une escouade de matelots torpilleurs brisaient les canons et affûts chinois, au moyen du fulmi-coton.

C’est en opérant ainsi que l’amiral Courbet ruina et franchit les solides fortifications des passes Mingan et Kimpaï.

Le 29 août, tous nos bâtiments sortaient victorieux de la rivière Min, après avoir perdu seulement 10 tués et 48 blessés. Mais pendant ces six jours de lutte, les 1 800 marins qui les montaient, électrisés par l’audace et l’intrépidité de leur chef, avaient accompli des prodiges.

Le 1er octobre, Courbet occupa Kelung sans grande résistance de la part des Chinois.

À partir de ce moment l’amiral dut se contenter d’occuper Kelung et de bloquer les autres ports de l’île de Formose.

Personne, en France, ne se doutait des héroïques actions de notre escadre de Chine, quand un brillant fait d’armes vint les rappeler avec éclat.

Une escadre chinoise avait eu l’imprudence de prendre la mer. Courbet l’apprend, et, avec le Bayard, sur lequel il place son pavillon, il se met à sa recherche. Le 13 février 1885, il reconnaît les vaisseaux ennemis.

Trois des croiseurs chinois lui échappèrent, grâce à leur vitesse et à la brume. La frégate le Yu-Yen et la corvette le Tchen-King se réfugièrent à Shei-poo, port où l’on n’arrive que par des canaux très étroits et d’une navigation difficile. Comme on ne pouvait songer à s’engager dans ces passes presque inconnues, Courbet prit un autre moyen pour détruire les deux navires chinois. Il chargea le capitaine de frégate Gourdon et le lieutenant de vaisseau Dubois d’aller torpiller les navires ennemis.

Au lieu du bateau-torpille du Bayard, le capitaine Gourdon et le lieutenant Dubois préférèrent une simple chaloupe à vapeur.

Dans la nuit du 14 au 15 février, les deux chaloupes quittent le Bayard. Elles étaient accompagnées et guidées par une troisième, sous la conduite du lieutenant de vaisseau Ravel, qui avait précédemment exploré le chenal. L’obscurité était si grande qu’à diverses reprises les trois canots se perdirent de vue. Enfin, après un parcours de sept à huit milles, ils aperçoivent les navires chinois. On observe le plus grand silence et la vitesse est ralentie. Les petites machines à vapeur des chaloupes faisaient grand bruit ; ce qui était un danger. Heureusement les Chinois étaient en fête cette nuit ; car le 15 février est le premier jour de leur année, et ils en célébraient l’anniversaire par des feux d’artifice. Aussi le canot du commandant Gourdon put-il atteindre, sans être aperçu, le Yu-Yen. Il pose sa torpille portée, qui éclate avec un bruit formidable.