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primer ces étroites chambres de chauffe, dont nous avons parlé, en traitant des torpilleurs, dans ce même volume, chambres où les marins sont soumis à un emprisonnement horrible, et en même temps, exposés aux plus grands dangers, si un tube de la chaudière vient à faire explosion. L’entretien du feu est, au contraire, ici, des plus simples. Il se réduit à surveiller l’arrivée de l’huile dans les foyers ; il ne demande que l’attention soutenue d’un seul chauffeur, au lieu d’exiger, comme aujourd’hui, un nombreux personnel, instruit et difficile à recruter. Le naphte ayant une plus grande puissance calorifique que le charbon, permet, comme nous l’avons dit, à poids égal de combustible embarqué, d’aller plus loin et la chaudière est plus légère. Enfin, on supprime la fumée, les étincelles et les escarbilles, qui dévoilent à l’adversaire l’approche d’un torpilleur.

L’emploi du pétrole liquide a été étudié récemment aux États-Unis sur les locomotives, par la Compagnie du Pensylvania Railroad, et sur les bateaux à vapeur, par M. A.-J. Stevens, notamment sur le steamer Solano, du port de San Francisco.

Ajoutons que le problème de l’emploi du pétrole pour le chauffage des locomotives, a été complètement résolu par les expériences de M. Thomas Urghart[1] sur le Great Estern Railway.

Il restait à trouver le moyen de brûler simultanément le pétrole et la houille. M. Holden, ingénieur du gaz, est parvenu à ce résultat en introduisant le pétrole liquide, mélangé d’air, dans la boîte à feu de la locomotive, au-dessus d’une mince couche de charbon incandescent, grâce à un injecteur spécial, et à brûler les deux combustibles ensemble, sans modifier autrement le foyer de la locomotive, que d’y placer un certain nombre de tubes de plus, qui n’empêchent pas, d’ailleurs, de se servir du même foyer pour la marche ordinaire de la locomotive.

M. Holden obtient ainsi une combustion sans fumée, et une grande production de chaleur, avec économie de combustible. Les menus, le charbon commun, le lignite, le bois, la tourbe, la sciure de bois, peuvent s’employer comme combustibles solides. L’air nécessaire à la combustion, n’ayant pas à traverser en excès le combustible, le tirage habituel reste suffisant, et l’orifice du tuyau soufflant des locomotives peut être augmenté de 50 à 60 pour 100. On réduit ainsi l’usure de la boîte à feu, des tubes et de la boîte à fumée, ainsi que de la cheminée ; enfin on évite la production des étincelles et l’entraînement des cendres.

La pression de la vapeur dans une chaudière munie de ce dispositif, peut être réglée avec précision. Elle peut, à volonté, être augmentée ou diminuée, en faisant varier la quantité de combustible liquide, d’une manière correspondante. Cet avantage est particulièrement appréciable pour les locomotives, dans le cas d’une surcharge, d’un vent violent, ou d’une rampe fortement inclinée. La mise en feu des machines de secours peut se faire rapidement. D’autre part, quand une machine se trouve arrêtée par un signal, on peut diminuer immédiatement la production de vapeur, et le combustible liquide peut être tenu en réserve, pour le moment opportun.

Le dispositif imaginé par M. Holden pour le chauffage mixte des locomotives au moyen du pétrole et de la houille, a été décrit dans le numéro de juillet 1890 des Annales de la construction d’Oppermann, auquel nous renvoyons, pour le détail des dispositions du foyer et de l’injecteur de pétrole.

Les premières expériences de M. Holden ont été faites à Stratford, sur une chaudière de l’atelier de préparation du gaz pour

  1. Voir le Portefeuille des machines d’Oppermann, février 1885.