Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/628

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



mais le monument du Champ de Mars restera debout : impavidum ferient ruinæ !

On s’est demandé quelquefois ce qu’a coûté le monument de M. Eiffel, et si les péages des visiteurs pendant l’Exposition ont couvert les frais de construction. On a à cet égard des renseignements précis. Les frais de construction ont été les suivants :

  Fr.
Fondations, maçonnerie, soubassements 
900 000
Montage métallique ; fers ; octroi pour les fers 
3 800 000
Peinture ; quatre couches, dont deux au minium 
200 000
Ascenseurs et machines 
1 200 000
Restaurants, décoration des plates-formes de la tour ; installations 
400 000
Total 
6 500 000

Les ascenseurs ont coûté 600 000 francs de plus qu’on ne l’avait prévu.

Sur cette somme de 6 500 000 francs, l’État a donné à M. Eiffel une subvention de 1 500 000 francs et la ville de Paris a concédé le terrain. Mais dans un délai de vingt années à partir de la clôture de l’Exposition la tour appartiendra à l’Etat.

En attendant, la jouissance en appartient à une société financière, qui a été formée par M. Eiffel et deux ou trois grandes maisons de banque, au capital de 5 millions et demi.

On sait aujourd’hui que les recettes de la seule année de l’Exposition ont permis de rembourser intégralement le capital.

Notre visite aux étages de la tour prendra fin ici.

Nous avons parcouru de bas en haut notre monument national. Nous n’avons qu’à redescendre par l’ascenseur, ou plutôt par le descenseur, qui, en peu de minutes, nous ramènera au pied du monument.

Connaissant bien maintenant notre tour de 300 mètres, nous pouvons répondre, en la quittant, à une question qui a été bien souvent agitée, avant et pendant son édification. « À quoi peut servir la tour du Champ de Mars ? »

« À rien ! » disait-on, avant son édification, et de très bonne foi. Les opinions ont singulièrement changé depuis ; car maintenant, on professe qu’elle peut servir à tout.

La science sera appelée à profiter la première de l’existence de cet immense mât métallique, dans une foule de cas que les physiciens, les astronomes et les naturalistes se sont empressés de consigner.

Écoutons, par exemple, pour l’astronomie, l’un des plus illustres représentants de cette science, M, Janssen, directeur de l’observatoire de Meudon.

Il est incontestable, a dit M. Janssen, que c’est au point de vue météorologique que la tour pourra rendre à la science les plus réels services. Une des plus grandes difficultés des observations météorologiques réside dans l’influence perturbatrice de la station même où l’on observe. Comment connaître, par exemple, la véritable direction du vent, si un obstacle tout local le fait dévier ? Et comment conclure la vraie température de l’air avec un thermomètre influencé par le rayonnement des objets environnants ? Aussi les éléments météorologiques des grands centres habités se prennent-ils en général en dehors même de ces centres ; et encore est-il nécessaire de s’élever toujours à une certaine hauteur au-dessus du sol. La tour donne une solution immédiate de ces questions. Elle s’élève à une grande hauteur, et par la nature de sa construction elle ne modifie en rien les éléments météorologiques à observer.

Il est vrai que 300 mètres ne sont pas négligeables au point de vue de la chute de la pluie, de la température et de la pression ; mais cette circonstance donne un intérêt de plus pour l’institution d’expériences comparatives sur les variations dues à l’altitude.

Je n’insiste pas sur les autres usages scientifiques qui ont été signalés, avec raison. Je dirai seulement que la tour pourrait donner lieu à de très intéressantes observations électriques. Il est certain qu’il se fera presque constamment des échanges entre le sol et l’atmosphère par ce grand paratonnerre métallique de 300 mètres. Ces conditions sont uniques, et il y aurait un très grand intérêt à prendre des dispositions pour étudier le passage du flux électrique à la pointe terminale de la tour. Il sera souvent énorme et même d’ob-