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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/638

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fils entra, à l’âge de treize ans, dans L’imprimerie Courcier, à laquelle il resta attaché, et qu’il dirigea pendant vingt-deux ans.

Léon Scott, fils du précédent, fut obligé, comme l’avait été son père, de suspendre de bonne heure ses études. Il entra, fort jeune, dans l’imprimerie scientifique de Mallet-Bachelier, Là, il eut le bonheur d’être distingué par le célèbre naturaliste Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, qui le consultait sur ses travaux. Ce dernier reconnut au jeune typographe des aptitudes scientifiques toutes particulières et un esprit ingénieux, prévision qui devait se réaliser plus tard.

En 1852, corrigeant, un jour, dans l’imprimerie de Martinet, les bons à tirer de la première édition du Traité de physiologie du professeur Longet, il lui vint l’idée d’appliquer les moyens acoustiques que la nature a réalisés dans l’oreille humaine à la fixation graphique des sons de la voix du chant et des instruments. Il comptait arriver, par cette voie, à une sténographie acoustique de la parole, sans le secours de main d’homme.

Cette prétention hardie ne rencontra partout que des incrédules. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, président de l’Académie des sciences, que Léon Scott pria, le 26 janvier 1857, de déposer, en son nom, un paquet cacheté, constatant la prise de possession du principe de sa découverte, ne cacha pas son envie de rire, à cette communication du pauvre typographe.

Cependant, le professeur Pouillet (de l’Institut) ayant appris, par le chimiste Barreswill, les tentatives auxquelles se livrait Léon Scott, se fit un devoir de gravir jusqu’à sa mansarde, et sur sa recommandation, la Société d’encouragement admit l’inventeur à faire fonctionner devant elle (fig. 467), un appareil rudimentaire, qui, néanmoins, enregistrait merveilleusement les signes de la parole et du chant. La Société d’encouragement fit alors les frais de la première annuité d’un brevet d’invention de l’instrument.

Léon Scott avait construit ce phonautographe rudimentaire, avec le secours d’un ouvrier de ses amis.

Un jour, vers 1860, on donnait une conférence sur l’acoustique, dans l’amphithéâtre de la Faculté des sciences, à la Sorbonne. L’appareil de Léon Scott y figurait. On le fit fonctionner, et à la grande surprise des trois mille personnes qui composaient l’assemblée, il écrivit correctement les sons des deux tuyaux d’orgue montés sur la même soufflerie, à un mètre de distance de l’appareil. Mais qui le croirait ? Le nom de Léon Scott ne fut pas prononcé : l’opérateur recueillit seul l’hommage que méritait l’inventeur, pour avoir réalisé un tel résultat par huit années de travail solitaire, et en dépensant son petit héritage maternel.

Cependant, le phonautographe attira peu, à cette époque l’attention. Quelques démonstrations de son mécanisme, dans les cours publics de physique, voilà tout ce que put obtenir cet appareil. Si l’on veut savoir la raison de ce froid accueil, écoutons le curieux entretien que Léon Scott eut un jour avec le physicien Becquerel père, qui habitait alors au Jardin des Plantes.

Léon Scott avait eu le bonheur, insigne pour un correcteur d’imprimerie, de découvrir un certain nombre de distractions très graves au point de vue scientifique, dans les bons à tirer d’un mémoire académique dû à la plume d’une personne qui touchait de très près à ce professeur. Il profita de l’occasion pour demander à parler au savant déjà illustre qui avait fait des travaux extrêmement remarquables en physique. Il osa lui raconter ses espérances, les promesses de son conduit acoustique, de son tympan artificiel et de son style inscripteur, pour la solution de son grand problème « la parole s’écrivant elle-même ».