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oreille et n’est pas troublé par des bruits ambiants.

Signalons une autre application : l’emmagasinage, par le phonographe, des gestes et des jeux de la physionomie.

Une personne parle devant le phonographe. Elle fait, en parlant, des gestes et des mouvements de physionomie. M. Guéroult croit qu’il serait possible d’emmagasiner ces gestes et ces mouvements, de façon à pouvoir les reproduire plus tard, en correspondance exacte avec les paroles prononcées, et même à pouvoir les transmettre à distance.

M. Guéroult suppose qu’au moment où le cylindre du phonographe commence à tourner, on prenne, de la personne qui parle, des photographies instantanées, à intervalles égaux, d’un dixième de seconde chacun. Si la révolution du cylindre s’opère en trente secondes, par exemple, on aura 300 photographies. Une fois développées, on les dispose sur un phénakisticope, faisant lui-même sa révolution en 30 secondes. Les photographies passant successivement devant l’œil de l’observateur, avec une vitesse d’un dixième de seconde, l’appareil reproduira tous les mouvements de la personne, en vertu du principe de la persistance des impressions de la rétine. Et comme il n’y a pas de syllabe qui, pour être prononcée, demande moins d’un dixième de seconde, les gestes et les jeux de physionomie suivront exactement le mouvement de la parole reproduite par le phonographe. Il serait donc possible, pour un acteur ou un orateur par exemple, de reproduire, au bout d’un temps quelconque, tout à la fois le texte et l’action d’un discours.

Dans un article inséré au mois de septembre 1890, dans le recueil la Science illustrée, M. W. de Fonvielle énumérait comme il suit les applications les plus récentes de l’instrument du physicien de New-York :

Les applications du phonographe ne sont pas encore aussi nombreuses que M. Edison l’avait supposé lors de la reprise de ses travaux en 1888, à la section de Bath de l’Association britannique, cependant nous avons à enregistrer un développement très remarquable dans la direction signalée par l’inventeur.

En Amérique, il s’est formé un grand nombre de compagnies concessionnaires, qui ont tenu au commencement de juin 1890, un meeting à Chicago, et adopté des résolutions importantes. Elles ont mieux fait que de pérorer, elles ont donné l’exemple d’un progrès bien remarquable, et menaçant même l’industrie des sténographes.

Tous les discours ont été phonographiés par des opérateurs qui répétaient à voix basse dans le tube d’un instrument, ce qu’ils entendaient. Lorsqu’un cylindre était fini, il était rapidement transporté par un assistant dans un autre appareil, et servait à dicter les phrases recueillies à un autre opérateur chargé de mener une machine à imprimer. C’était la répétition en grand de l’expérience à laquelle le public assistait en 1889 dans la galerie des Machines, lorsqu’il s’arrêtait devant une partie de l’exposition d’Edison.

La marche de l’opération a été si satisfaisante, que c’est de la sorte que le compte rendu du meeting a été imprimé.

Quelques jours après le phonographe a donné la preuve de la rapidité avec laquelle il peut rivaliser avec les meilleurs sténographes. C’est ainsi que l’on a recueilli à l’auditorium de Chicago, le discours de M. Depeu, célèbre orateur new-yorkais, qui faisait une excellente conférence sur l’exposition de 1863, et donnait son adhésion au choix fait par le congrès de Washington.

La rapidité a été tellement grande que tous les journaux de Chicago recevaient des épreuves de l’exorde avant que M. Depeu ait eu le temps de commencer sa péroraison.

Il est vrai que les sténographes de nos assemblées délibérantes ne sont pas de pures machines, et qu’ils remettent sur pied les discours prononcés, à la tribune nationale. Les harangues de nos honorables ne nous arrivent qu’après un véritable travail orthopédique et un épluchage cacographique ; bien peu de députés et de sénateurs sont à même de se passer de ce véritable blanchissage. Il n’en était pas de même à Chicago, où M, Depeu, parfaitement maître de sa parole, et de son sujet, avait la même correction que jadis Jules Favre, et n’avait pas besoin de correcteur.

On a employé en Amérique le phonographe à un usage auquel nous ne croyons pas que l’on