Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 6.djvu/665

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’art militaire est appelé à profiter largement du photophone. Une ville assiégée pourrait correspondre, par des rayons lumineux parlants, avec le reste du pays non investi.

La pensée se porte naturellement, en présence de cette admirable découverte, au siège de Paris en 1870-1871, et l’on se demande avec regret si le sort de notre capitale et celui de nos villes bloquées par les troupes allemandes n’auraient pas été différents si l’on eût possédé à cette époque un tel instrument !

Les signaux solaires sont, du reste, déjà en usage dans les armées actuelles. Nous avons fait mention, dans le Supplément à la télégraphie aérienne, des appareils de télégraphie optique dont sont pourvus tous les corps d’armée de différentes nations. Mais il ne s’agit ici que d’éclairs envoyés d’un poste à l’autre, répondant à des signes conventionnels. Combien différent est le photophone, par lequel on ferait parler le soleil !

Dans la marine, le photophone serait d’une évidente utilité. En mer, rien n’arrête, rien ne limite, comme sur la terre, la marche directe des rayons lumineux. On pourrait donc se parler de navire à navire, grâce à la lumière du soleil ou à la lumière électrique, comme si l’on était bord à bord.

Les phares, les sémaphores, au lieu de simples feux d’avertissement, pourraient envoyer, avec la parole, tous les renseignements nécessaires, répondre aux questions des navires en pleine mer, leur transmettre tous les avis, les recommandations utiles concernant l’entrée du port, les nouvelles du pays, etc. De véritables conversations s’établiraient ainsi entre l’équipage et les phares ou sémaphores du littoral.

Nous anticipons peut-être un peu sur l’avenir, par toutes ces prévisions séduisantes ; mais on ne peut mettre en doute que ces brillantes promesses, en ce qui touche les applications du photophone à la correspondance parlée, sur terre et sur mer, ne se réalisent dans un temps plus ou moins éloigné. Le juste enthousiasme qu’a excité dans l’esprit de tous les physiciens, la découverte que nous venons d’exposer, excusera auprès de nos lecteurs ces espérances anticipées et impatientes.

L’inventeur du photophone a, d’ailleurs, justifié lui-même ces audacieuses prévisions sur l’avenir de son appareil. Il a conçu, par une vue supérieure, la pensée la plus audacieuse qui puisse venir à l’esprit d’un physicien. L’idée lui est venue de saisir, grâce au photophone, le retentissement des bruits qui se passent à la surface du soleil !

Supposons qu’on ait pris un grand nombre de photographies d’une même tache solaire, et que les variations de cette tache soient assez accentuées. On ne craindra pas alors que les rayons fugitifs de la lumière qui affectent le photophone, puissent se perdre inutilement. On fera passer ces photographies devant le photophone, en les éclairant avec la lumière électrique, et les variations de lumière produites par chacune des parties de la photographie, donneront un écho des bruits qui avaient nécessairement accompagné ces variations dans l’astre radieux lui-même.

Voici comment cette idée est venue à M. Graham Bell. Pendant le séjour qu’il fit à Paris, au mois de novembre 1881, il visitait l’Observatoire de Meudon, où il avait été invité par M. Janssen, il examina avec beaucoup de soin les grandes photographies qu’on y fait pour l’étude de la surface solaire. M. Janssen lui apprit alors qu’il constatait des mouvements d’une rapidité prodigieuse dans la matière photosphérique, et M. Graham Bell eut aussitôt l’idée d’employer le photophone à la reproduction des bruits qui doivent nécessaire-