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par cette éducation que vous m’avez donnée, et qui m’a appris que la frugalité est à la base de la conservation de la santé morale et physique. Aussi admettez que j’ai su la conserver.

— Oui, concéda le père. Tu as su rester un vrai Daubourge.

Et son regard en s’attachant à son fils rayonnait de plaisir. Il admirait aussi avec quelle aisance, son grand garçon élevé à la campagne, savait se débrouiller dans cette ville.

Alexandre, qui connaissait les goûts de son père, commanda des omelettes au lard salé.

Après avoir musé quelque temps dans la rue, avoir jeté un coup d’œil aux devantures de quelques magasins, les deux hommes regagnèrent la conciergerie Frontenac. Alexandre voulant ménager la susceptibilité de son père, monta très lentement les étages. Le jeune homme lui abandonna le divan et attirant sa chaise tout près du siège de son père, il tendit son sac à tabac. Le vieux ne se fit pas prier pour charger sa pipe, et ce fut au milieu d’un nuage de fumée qui flairait bon le tabac canadien qu’il commença de s’expliquer avec son fils.

— Avant de commencer notre entretien, garçon, j’ai un conseil à te donner : « Ne marie jamais une femme que tu n’aimes pas. »

— Bien sûr, papa, c’est mon idée, c’est aussi pourquoi je n’ai pas voulu céder tout de suite à vos conseils. Des hommes de notre trempe n’aiment pas facilement deux fois aussi ardemment.