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La jeune fille regarde cette personne mise si simplement, si pauvrement même, quand elle lui faisait tenir pour elle, des sommes assez importantes ; cet argent, sans aucun scrupule, elle l’avait dépensé pour les caprices les plus futiles. Elle regarde les mains brisées par de durs travaux, les veines qui saillent et disent les peines, et elle se demande d’une manière plus anxieuse : « Que fait maman ? Est-elle malheureuse ? Elle sent son cœur angoissé à toutes ces questions qu’elle n’a jamais creusées aussi profondément, avant cette terrible nuit.

Si elle relève la tête, elle retrouve les yeux de sa mère rivés sur elle, ses yeux bleus, comme les siens sont tout lavés de larmes. Et de nouveau, ce soir, tandis qu’elle contemple sa fille, comme toujours, comme bien souvent certainement, des pleurs brillent au bord des paupières, et Laure sent son cœur bien gros de voir ces petites perles qui roulent et s’effritent sur la robe noire ; d’autant plus gros qu’elle se sent impuissante à les empêcher de couler. Ces larmes de sa mère qui lui font mal, si mal, contre lesquelles elle ne peut rien, elles lui rappellent d’autres sanglots étouffés à cause d’elle, dans le silence d’une magnifique église : son passage ne produit donc que des larmes, elle qui voudrait tout le monde heureux comme elle l’était encore ces jours derniers, et sa poitrine se soulève dans un sanglot déchirant.

Sa mère se lève et l’entoure de ses bras, elles mêlent leurs larmes.