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Ramassant tout son courage, elle saisit les mains de sa mère, et les emprisonnant dans les siennes, elle articula lentement comme pour être mieux écoutée et mieux comprise :

— Maman, j’ai été bien raisonnable toute cette journée. C’est la nuit, l’heure des confidences. Dites-moi tout ce que je dois savoir, tout ce qui concerne ma naissance, tout ce qui me sépare d’Alexandre Daubourge. Mère X a dit : « Décidez votre mère à tout vous raconter, il n’y a plus d’autre solution, c’est le conseil que je lui donne. »

Devant le silence déconcertant de celle dont Laure avait pu douter une minute d’être la fille, elle se sentit remplie de pitié, elle se laissa glisser à ses genoux, et cachant sa tête dans les plis de la robe en laine rugueuse, elle supplia :

— Parlez maman.

Et en disant ce mot qui signifie tendresse et affection, elle sentit s’infiltrer de nouveau en elle ce soupçon, qu’elle avait énoncé clairement en revenant de chez Alexandre : cette personne n’était pas sa mère. Si oui, la laisserait-elle se torturer ainsi ? Non, elle parlerait, elle aurait déjà parlé.

La maman Lavoise ne fit pas un mouvement, elle était comme pétrifiée. Laure se redressa et se dirigea vers l’encoignure de la chambre où étaient pendus ses vêtements dérobés aux regards par une cretonne pâle, sur le fond de laquelle se détachaient d’énormes oiseaux bleus. Elle les avait choisis parce qu’ils portent bonheur. Comme ils lui semblaient chétifs et dérisoires ce soir. Elle tendit la main, dé-