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facile à concevoir chez cette enfant choyée, gâtée, la transition était trop brusque. En se levant le lendemain elle se promit à elle-même de ne plus céder à ses nerfs.

Pâques est passé et Guy de Morais n’est pas venu. Un beau matin, il arrive à l’adresse de Pierrette une longue lettre ; au milieu de phrases ampoulées et embrouillées, il essaie de faire accepter à sa fiancée, sa conduite comme héroïque. Il se trouve lui-même dans une situation difficile. L’avancement qu’il espérait tarde indéfiniment et ne se traduit qu’en promesses. Ses parents ont fait de lourdes pertes, il ne peut rien lui offrir qui soit digne d’elle. Il appuie sur le fait qu’il est désolé de renoncer à cette union qui le comblerait, mais il ne peut se faire à l’idée de cette jeune fille élevée dans le luxe vivant à ses côtés d’une vie gênée.

Pierrette, les sourcils froncés, lit jusqu’à la dernière ligne, et levant les yeux vers sa mère, s’efforce de sourire. Elle veut par son attitude lui faire comprendre qu’il n’y a pas à se désoler de cette lâcheté. Aussi bien, n’était-elle pas prévue ?

— J’en étais sûre de ce dénouement, depuis le jour de la réception du télégramme, mais je ne croyais pas que ce triste sire aurait tant d’audace. Il ne mérite même pas que je lui réponde. Il ose m’offrir son secours pécuniaire, si jamais je suis dans une passe par trop difficile. Il me serait moins dur de mendier que de lui demander quoi que ce soit.

Pierrette n’en fit pas une maladie. Elle avait tant d’autres choses en tête. Mais comme tous ces événements qui se précipitaient l’avaient mûrie. Vaillamment, elle se mit en devoir de trouver, coûte que coûte, un emploi lui permettant de suffire à ses dépenses.

D’acheteur pour la propriété, il ne s’en présentait pas un seul, et Yvonne répétait :

— Qui peut croire que vous soyez obligées de vendre ?

Pierrette fit des comptes, la plus grande partie de la nuit, et chiffra le total effarant, auquel s’élevait son