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geait pas tous les jours maintenant. Elle sortit la robe ivoire qu’elle portait le jour du départ de son fiancé, et la replaça nerveusement ; saisit la robe rose de son retour, et de nouveau la remit à sa place.

Elle ne voulait rien qui lui rappelât les jours de leur ancienne camaraderie. Elle sentait trop combien différentes maintenant seraient leurs relations.

Elle se décida pour sa toilette noire bien qu’elle l’eût portée une fois ou l’autre pour sortir en compagnie de Guy de Morais. Elle était simple, attirait peu le regard, et lui seyait à ravir.

Ce soir, l’émotion avait fait perdre à son teint toute animation, et n’eût été l’éclat de ses yeux, elle eût paru plus âgée qu’elle ne l’était en réalité.

Charlie la trouva toute autre qu’à l’ordinaire. Avait-elle un air assez sérieux ? Quelle idée grave pouvait lui donner cette physionomie ? Il aurait tant désiré la retrouver heureuse de son retour et qu’elle le laissât paraître.

Il n’osa la questionner. En aurait-il eu le courage devant ce visage fermé ? Une seule chose n’était pas changée : sa démarche, son allure fière et indépendante.

Quand la représentation fut un peu avancée, il se pencha vers elle et d’une voix basse et voilée, il demanda s’il pouvait lui parler sérieusement, lui poser des questions si graves : quelles étaient le motif de son retour à Québec ?

— Tu as bien compris, Pierrette, que je désire te parler depuis la minute où j’ai su que tu étais libre.

Les mains de la jeune fille qu’elle tenait sur ses genoux se crispèrent, son visage devint plus pâle et elle articula :

— Charlie, je prévois le sujet de cet entretien. L’endroit est bien mal choisi. Nous ne pourrions ni l’un ni l’autre parler librement. Savons-nous qui peut entendre et colporter nos paroles ? Viens chez moi, disons samedi en quinze.