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Elle se laisse glisser sur le sable fin et chaud ; maintenant le soleil est complètement monté à l’horizon.

À quelques pas, M. de Morais l’imite et reste silencieux, n’a-t-elle pas dit qu’elle n’est pas venue ici pour soutenir une conversation. De l’autre côté, les rails des chars disparaissent, on ne voit que le remblai tout couvert de bois verdoyants à cette époque, le fleuve est dans sa partie la plus étroite, la marée monte, le soleil chauffe. Au-dessus de leurs têtes le velum du ciel d’un bleu transparent avec des flocons blancs qui s’enroulent et se déroulent emportés par un souffle tiède ; en face les eaux calmes du fleuve dans lesquelles le bleu du firmament semble se refléter ; des taches sombres, l’ombre des arbres se profilant tremblante à cause de la brise qui imprime aux branches de légers mouvements, un calme imposant qui donne l’illusion de la solitude.

La main gauche de Pierrette s’enfonce dans le sable ; toute la lumière du jour joue sur ses doigts qui s’écartent et entre lesquels glissent les grains doux et brillants. Guy de Morais remarque sur la montre de la jeune fille une petite photographie placée au centre de la vitre.

— Votre fiancé ? Mademoiselle, questionne-t-il ?

Elle tend le bras dans sa direction ; le jeune homme saisit la main et approche la minitiature qu’il étudie attentivement.

— Et vous l’aimez cet homme-là ?… Mademoiselle !

Il regarde Pierrette avec insistance.

Elle sursaute, retire sa main, et fronce imperceptiblement les sourcils en répondant :

— Bien sûr, Monsieur, puisque je le marierai.

Aussitôt la jeune fille se détourne et recommence son jeu machinal ; elle semble beaucoup s’intéresser à voir couler le sable, qui reprend sa place première.

Ces seuls mots de Guy de Morais ont suffi à soulever une tempête dans son âme. Est-ce écrit quelque part sur sa figure qu’elle ne l’aime pas pour qu’un