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de M. de Morais, et commençait à trouver ennuyeuses ces lettres laconiques qui contenaient pourtant tout le nouveau. Il finissait en disant, et l’accent semblait vrai : je t’aime bien, je crois même que je t’aime de plus en plus. Il donnait sa prochaine adresse : rien ne manquait, cela sentait l’ordre et l’esprit de suite. Il m’écrit, pensa-t-elle, comme il ferait un rapport à ses chefs, est-ce assez insipide ?

Ce matin, elle ne peut trouver de mots pour lui répondre, lui, qui là-bas, l’aimait tous les jours davantage, et attendait comme le pain quotidien ses lettres ; qui, par les yeux de la pensée la revoyait sans cesse, on le sentait à chaque mot ; par exemple, il disait un lundi : « hier, c’était dimanche, tu es allée à la messe de dix heures et demie, tu avais ton costume gris, tu as fait ta toilette, tu es allée dîner chez ta marraine ». Il la suivait pas à pas malgré son éloignement. C’était enfantin de la part d’un jeune homme sérieux, mais d’autant plus touchant.

Quelques jours passent, et Pierrette n’a pas encore écrit. Le soir, elle a revu M. de Morais qui a tant insisté pour la faire accepter son cadeau. Elle a failli se fâcher, et l’envoyer promener ; depuis, elle n’a pas voulu le revoir, elle a prétexté des courses à faire dans les magasins, des parties de tennis à jouer. Un jour, de nouveau, il a insisté, disant qu’il aimerait la voir dans toute l’animation du jeu, elle a répondu faussement :

— Impossible, c’est un court privé, on n’y admet que des jeunes filles.

Heureusement, c’était au téléphone, sans quoi, il aurait tout de suite pressenti la supercherie.

Sait-elle au fond pourquoi elle l’évite ? non, elle n’a pas sondé son cœur à ce sujet, mais instinctivement elle a senti qu’il valait mieux ainsi.

Dix heures, le soleil brille dans la clarté tapageuse, Pierrette dispose des fleurs dans le salon. On lui en a envoyé de bien belles. Une de ses amies demeure à Sainte-Foye, et en possède de très rares en serre, elle