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trémité ; puis il se ravise, non il ne faut pas entrer de cette façon. D’une voix dure il commande :

— Allez sonner.

Il soulève de ses bras robustes le léger fardeau et s’avance résolument. Madame des Orties qui ouvre la porte elle-même ne lui dit pas une parole, elle le précède à travers la maison. Charlie arrive au seuil de la chambre jaune, il se sent faible, faible tout à coup comme s’il était redevenu un petit garçon, et qu’il essaierait ses forces sur un poids disproportionné à son âge. Cette chambre que la jeune fille vient de laisser, il n’y a pas une heure, comme elle est vivante, plus vivante que la personne inerte qu’il dépose sur le lit. On croirait qu’elle va parler. Les fleurs le saluent et lui souhaitent la bienvenue. Le travail de broderie, abandonné à la dernière minute et déposé sur la chaise, en partant, rappelle le mouvement.

Tandis que Charlie prévient le médecin de la famille, Madame des Orties a tamponné d’eau froide le visage de son enfant ; elle a enlevé les restes du sang, surtout elle a démaquillé ce visage. Sur les oreillers blancs, la petite figure se détache dorée, les lèvres plus pâles que les joues.

La lumière, tamisée par un abat-jour de soie, fait un effet de veilleuse dans la chambre. Un grand homme sec et droit se penche au-dessus du lit. Consciencieusement, il s’acquitte de son devoir. Il pose une foule de questions auxquelles la jeune fille peut difficilement répondre. Il donne à Madame des Orties quelques prescriptions à remplir, et promet de revenir le lendemain matin.

— Madame, s’il n’y a pas de complications ce ne sera pas long. Quelques jours de repos complet et il n’y aura plus trace de cet accident. Si elle délirait, appelez-moi aussitôt.

Charlie s’est laissé tomber sur un siège de la salle à manger et attend avec impatience le départ du médecin, il a tant hâte de savoir à quoi s’en tenir.