Pierrette a fait faire volte-face à l’auto. La lune leur sourit, et entre ses dents Pierrette chantonne « Kiss me good night. »
C’est l’amour qui chante pense Charles, et malgré lui, il se demande comment sa fiancée peut ainsi rire et badiner la veille de son départ. M’aime-t-elle vraiment ? Anxieusement il se pose la question : Comment savoir avec cette Pierrette. Elle l’a toujours dérouté, elle lui a toujours plu, mais il ne l’a jamais comprise.
Elle stoppe, saute en bas de l’auto, met la main dans sa poche et présente à Charlie la clef de la machine.
— Non, chérie, je te la laisse, tu pourras t’en servir à ton gré. Vous aurez prochainement de la visite, elle te servira.
— Mais Charlie, ce n’est pas possible, tu en seras privé.
— Non, puisque je pars avec l’un de mes amis.
— Quel train prends-tu ? Ou, partez-vous d’ici en machine ?
— Nous prenons le bateau de Chicoutimi, et nous embarquerons notre voiture. Le départ est à huit heures. C’est trop tôt ?
— Oh ! que non ! répond Pierrette, en se frottant les yeux à l’avance, à l’idée de se lever à une heure si matinale.
— Bonne nuit, ma chérie, alors, et à demain matin.
Dans sa chambre jaune, Pierrette chante oubliant le prochain départ de Charlie.
Sept heures et demie, l’auto démarre, le soleil sourit entre deux nuages, La basse-ville n’est pas encore très animée. Pierrette se rend sur le quai. Elle est arrivée la première. Tout à coup dans une torpédo verte, son fiancé surgit en compagnie de son ami. La voiture s’arrête, et Charlie se précipite la main tendue :
— Comme tu es gentille, ma Pierrette, et tu es arrivée la première !
— Tu sais bien que je ne fais rien à demi.