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L’une à côté de l’autre dans le petit lit trop étroit, elles ne peuvent trouver le sommeil. Madame Lavoise passe ses doigts noueux sur les mains douces et chaudes de Laure qui frissonne toute, sous cette caresse presque constante. Elle voudrait prendre cette femme dans ses bras et lui dire : « Ma mère bien aimée, » mais elle ne peut pas. Quand elle n’était qu’une enfant, il lui était facile une fois par année, quand cette même femme se présentait au parloir de se pendre à son cou, de lui dire des mots tendres. Elle lui apportait des gâteries et Laure la payait en caresses. Maintenant, elle était devenue une femme, une femme qui défend son amour, entre elles se dressait la haute silhouette d’Alexandre Daubourge, et il manquait à Laure la tendresse passionnée qu’ont les enfants pour leur mère. Que cette nuit sans sommeil fut une dure épreuve pour ces deux femmes !

Aux petites heures, Laure se leva la première ; longtemps, elle bassina son visage avec de l’eau froide. Elle allait sortir en ville, et ne voulait pas donner sa détresse en spectacle à tous les curieux qui croiseraient son regard. Sa mère la regardait aller et venir sans bruit dans la pièce, vaquer à tous les soins de sa toilette. Ne semblait-elle pas oublier, la belle enfant, toutes les difficultés de la veille, que la nuit, cette grande pacificatrice n’avait pu entraîner avec elle. Maman Lavoise qui faisait la dormeuse, se décida à parler quand Laure allait franchir le seuil de la porte :