Page:Finot - La Marche à la lumière, Bodhicaryavatara, poème sanskrit de Cantideva.djvu/14

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Sauveur. Cette notion ne fait pas, à vrai dire, partie intégrante de la signification primitive, car Çâkyamuni, en possession de la Bodhi, hésita, si on en croit l’Écriture, à communiquer aux hommes la vérité qu’il venait de conquérir ; et d’ailleurs il existe une classe de buddhas désignés par le terme expressif de « chacun pour soi » (pratyeka-buddha), qui gardent pour eux leur bodhi. Mais il se produisit au cours des temps, dans le sein de l’Église bouddhique, un mouvement d’idées qui fit passer au premier plan la caritas generis humani, de façon que la « pensée de la Bodhi », dont il est si souvent question dans notre texte, c’est moins la pensée de connaître la vérité que celle de sauver le monde. Le Bodhičaryâvatâra est un des témoins de ce nouvel évangile, qui porte dans l’histoire religieuse le nom de Mahâyâna, « Grand Véhicule », expression un peu singulière, mais qu’un mot suffira à expliquer.

L’Idéal apparaît à l’Hindou comme le terme ultime d’un long voyage à travers une série d’existences. Les bouddhistes ont fait grand usage de cette conception dans leur langue technique : l’ordination du moine est un « départ » (pravrajyâ) ; l’accès au premier degré de la sainteté est l’« entrée dans le courant » (srotaâpatti) ; la perfection est l’« arrivée à l’autre rive » (pâramitâ) ; le Buddha est un « chef de caravane » (sârthavâha),