Page:Firmery - Étude sur la vie et les œuvres de Jean-Paul-Frédéric Richter, 1886.djvu/229

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petits intérêts, ne lui offre point de théâtre digne de lui. Il veut aller combattre à côté des Français pour le triomphe de la Révolution. Mais Linda met pour condition à son amour qu’il renoncera à ce projet. Elle est du reste aristocratique comme Émilie de Berlepsch et Mme  de Krüdener, et veut « plutôt un comte oisif qu’un soldat révolutionnaire. »

Albano est effrayé de cette volonté qui veut s’imposer, de cette personnalité géniale qui menace de l’absorber ; il recule devant cette femme qui veut enchaîner sa force virile ; il refuse de céder à ses désirs et aime mieux renoncer à elle. Elle l’avait déjà mécontenté et inquiété par sa haine invincible du mariage : « Que sont donc nos pauvres, calmes, pieux mariages ? » écrivait Mme  de Kalb à Jean-Paul (16 octobre 1796) ; et de même Linda affirme que l’amour sans liberté et par devoir, n’est qu’hypocrisie et haine ; elle lui déclare que leur volonté doit être le seul sceau de leur amour, que tout autre lien imposé par les convenances, mettrait des chaînes et des esclaves dans la plus belle vie ; c’est aux yeux de Jean-Paul une doctrine souverainement immorale et la Titanide en sera terriblement punie.

Roquairol l’aime depuis longtemps. Il apprend la brouille qui sépare momentanément Albano et Linda. Il se jure d’en profiter pour satisfaire à la fois sa passion et sa vengeance. La voix de Roquairol ressemble à celle du comte ; Linda, comme Mme  de Kalb, souffre d’une cécité intermittente qui ne lui permet pas de voir pendant la nuit. L’infâme met à profit ces circonstances ; il attire une nuit la comtesse de Romeiro dans un bosquet du parc, et joue le rôle d’Albano jusqu’au bout « jusques et y compris le cinquième acte. » Le lendemain il révèle son crime aux deux amants, au moment où Albano vient d’être reconquis parle charme, et dans une extase d’amour, demande son pardon ; puis il se suicide.

Cette justice poétique qui punit aussi terriblement la femme esprit fort, peut paraître bien sévère ; mais elle est en tout cas conforme aux idées de Jean-Paul. Ce qui est d’une rigueur trop