Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/225

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propre était mis en jeu dans la controverse du polygénisme et du monogénisme, il ne s’occupait que du triomphe de sa cause. Il pouvait bien oublier que le plus grand nombre d’esclaves noirs se trouvaient aux États-Unis et subissaient encore l’effet de la triste doctrine qu’il défendait si ardemment.

Cependant parmi les monogénistes, il y eut aussi des esclavagistes, en petit nombre d’ailleurs. Ceux-là n’imaginèrent rien de mieux que de faire de l’esclavage une institution divine. Ce fut une belle occasion pour leur terrible adversaire. Avec sa perspicacité, son sens exquis de dialecticien habile, Broca ne la négligea pas.

« Si tous les hommes descendent d’un seul couple, dit-il, si l’inégalité des races a été le résultat d’une malédiction plus ou moins méritée, ou bien encore si les unes se sont dégradées, et ont laissé éteindre le flambeau de leur intelligence primitive, pendant que les autres gardaient intacts les dons précieux du Créateur ; en d’autres termes, s’il y a des races bénies et des races maudites, des races qui ont répondu au vœu de la nature et des races qui ont démérite, alors le révérend John Backmann a raison de dire que l’esclavage est de droit divin ; c’est une punition providentielle, et il est juste, jusqu’à un certain point, que les races qui se sont dégradées soient placées sous la protection des autres, pour emprunter un ingénieux euphémisme au langage des esclavagistes. Mais si l’Éthiopien est roi du Soudan au même titre que le Caucasien est roi de l’Europe, de quel droit celui-ci imposerait-il des lois à celui-là, si ce n’est du droit que donne la force ? »

Toute cette argumentation est irréprochable, à première vue, mais quelle en est la valeur réelle avec la doctrine de l’inégalité des races ? Elle ne paraît si logique qu’en impliquant que l’Éthiopien, roi du Soudan, est légal du Caucasien, roi de l’Europe. Il suffit de supposer le premier infé-