l’ampleur de son esprit devait naturellement conduire à voir en lui-même un modèle humain placé si loin et tellement au-dessus des singes, adopta la classification de l’éminent naturaliste allemand. Quand à cette école vint s’ajouter le poids et l’autorité de l’opinion de l’immortel Cuvier[1], dont la haute personnalité domine toute l’histoire des sciences naturelles, dans la première moitié de ce siècle, tout sembla s’incliner dans le sens d’une distinction ordinale entre l’homme et les autres animaux qui circulent à la surface du globe et au sein de l’océan immense.
Ce qui a frappé les savants qui ont voulu isoler l’espèce humaine du reste du règne animal, c’est la grande sociabilité de l’homme et le résultat qu’il en acquiert. « L’homme n’est homme, a écrit Buffon, que parce qu’il a su se réunir à l’homme[2]. »
Ce besoin de la société ne se rencontre avec tout son développement que dans l’humanité. D’autres animaux, sans doute, vont par bande et poussent parfois le sentiment de la solidarité au point de se sacrifier pour le salut de leur communauté, en déployant une énergie qui nous étonne ; mais à qui viendra-t-il à l’esprit de comparer ces mouvements instinctifs et accidentels à la constance raisonnée que met l’homme, même à travers les luttes les plus sanglantes, à la constitution de la société ? Une idée hautement philosophique domine d’ailleurs toutes les autres considérations. Chaque être a ici-bas des conditions en dehors desquelles il lui est impossible de réaliser sa destinée, c’est-à-dire de développer toute la somme d’aptitudes dont il est doué. Or, dans toute l’échelle de la création, les individus isolés peuvent se suffire à eux-mêmes, pourvu qu’ils aient l’énergie suffisante pour lutter contre