Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/478

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rappelle donc ! Il n’y a de relèvement réel que celui qui s’opère par l’affranchissement de la pensée et la libre manifestation des grands caractères.

« On n’élève pas les âmes sans les affranchir », dit Guizot. Voilà des paroles sur lesquelles je demande qu’on réfléchisse en Haïti, et je le dis avec toute la droiture de mon esprit et toute la sincérité de mon cœur. Or, c’est par l’étude du droit, c’est à l’aide des principes supérieurs qu’elle développe dans l’intelligence avide de lumières, qu’on arrive à se familiariser avec ces idées vraiment civilisatrices.

Le cœur éclate parfois ; alors on se laisse aller à des mouvements irrésistibles. Mais en m’appesantissant sur ce point, je n’ai nullement l’intention de sortir de l’esprit dans lequel cet ouvrage a été conçu, pour faire une course insolite dans un domaine étranger à l’objet de ma thèse. Il faut que les Noirs d’Haïti sachent que ceux qui argumentent contre l’égalité des races ne nient pas seulement l’aptitude de l’Éthiopien à s’occuper des sciences transcendantes ; mais aussi et surtout, ils lui reprochent une incapacité organique de s’élever aux idées du juste et de l’injuste, incapacité qui se traduirait en mépris habituel du droit et des conventions, dans les relations civiles et internationales, et en despotisme systématique, dans les relations politiques. Cette prévention enracinée dans l’esprit des Européens explique bien des procédés sommaires qu’ils emploient au lieu des mesures diplomatiques, toutes les fois qu’ils se trouvent en face d’un peuple qu’ils considèrent comme d’une race inférieure. Aussi leurs historiens ou leurs publicistes manquent-ils rarement de présenter l’argument de l’inégalité des races comme justifiant la conduite irrégulière qu’ils tiennent en pareil cas. Sans doute y a-t-il là une logique fausse, abusive et dont l’inconséquence saute aux yeux ; mais aussi n’est-ce pas une rai-