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LA FIN DU MONDE

n’étaient plus cultivés. Il plut pendant trois ans : on ne put ni semer, ni récolter. La terre ne produisait plus. On l’abandonnait. « Le muid de blé, écrit Raoul Glaber, s’éleva à soixante sols d’or ; les riches maigrirent et pâlirent ; les pauvres rongèrent les racines des bois ; plusieurs se laissèrent aller à dévorer des chairs humaines. Sur les chemins, les forts saisissaient les faibles, les déchiraient, les rôtissaient et les mangeaient. Quelques-uns présentaient à des enfants un œuf, un fruit, et les attiraient à l’écart pour les dévorer. Ce délire, cette rage alla au point que la bête était plus en sûreté que l’homme. Des enfants tuaient leurs parents pour les manger, des mères dévoraient leurs enfants. Comme si c’eût été désormais une coutume établie de manger de la chair humaine, il y en eut un qui osa en étaler à vendre dans le marché de Tournus. Il ne nia point et fut brûlé. Un autre alla pendant la nuit déterrer cette même chair, la mangea et fut brûlé de même. »

C’est un contemporain, souvent un témoin, qui parle. Les peuples meurent de faim partout, mangent des reptiles, des bêtes immondes, de la chair humaine. Dans la forêt de Mâcon, près d’une église dédiée à saint Jean, perdue au fond des bois, un assassin avait construit une cabane où il égorgeait les passants et les pèlerins. Un jour, un voyageur et sa femme entrent dans la cabane pour s’y reposer. Ils aperçoivent des crânes humains, des têtes de morts jonchant le sol. Ils se lèvent