Page:Flammarion - La Fin du monde, 1894.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
LA FIN DU MONDE

credi soir au samedi matin. C’est ce qu’on appela la trêve de Dieu.

La fin d’un monde si misérable fut à la fois l’espoir et l’effroi de cette épouvantable époque.

Cependant l’an 1000 passa comme les années qui l’avaient précédé, et le monde continua d’exister. Les prophètes s’étaient-ils encore trompés ? Mille ans de christianisme ne conduisaient-ils pas plutôt à l’an 1033 ? On attendit. On espéra. Mais précisément cette année-là, le 29 juin 1033, il y eut une grande éclipse de soleil. « L’astre de la lumière devint de couleur safran ; les hommes, en se regardant les uns les autres, se voyaient pâles comme des morts ; tous les objets prirent une teinte livide ; la stupeur s’abattit sur tous les cœurs, on s’attendit à quelque catastrophe générale… » La fin du monde ne vint pas encore.

C’est à cette époque critique que l’on doit la construction de ces magnifiques cathédrales qui ont traversé les âges et fait l’admiration des siècles. Des dons immenses avaient été prodigués au clergé, des donations et des successions continuèrent de l’enrichir. Il y eut comme une aurore nouvelle. « Après l’an 1000, écrit encore Raoul Glaber, les basiliques sacrées furent réédifiées de fond en comble dans presque tout l’univers, surtout dans l’Italie et dans les Gaules, quoique la plupart fussent encore assez solides pour ne point exiger de réparations. Mais les peuples chrétiens semblaient rivaliser entre eux de magnificence