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LE CHOC

santes, comme un monstre se précipitant sur la Terre pour la dévorer par l’incendie. Ce qui frappait peut-être le plus encore en ce spectacle, c’était de ne rien entendre : Paris et toutes les agglomérations humaines se taisaient instinctivement cette nuit-là, comme immobilisés par une attention sans égale, cherchant à saisir quelque écho du tonnerre céleste qui s’avançait — et nul bruit n’arrivait du pandémonium cométaire.

La pleine lune brillait, verte dans la rouge fournaise, mais sans éclat et ne donnant plus d’ombres. La nuit n’était plus la nuit. Les étoiles avaient disparu. Le ciel restait embrasé d’une lueur intense.

La comète approchait de la Terre avec une vitesse de cent quarante-sept mille kilomètres à l’heure, et notre planète avançait elle-même dans l’espace au taux de cent quatre mille kilomètres, de l’ouest vers l’est, obliquement à l’orbite de la comète qui, pour la position d’un méridien quelconque à minuit, planait au nord-est. La combinaison des deux vitesses rapprochait les deux corps célestes de cent soixante-treize mille kilomètres à l’heure. Lorsque l’observation, d’accord avec le calcul, constata que les contours de la tête de l’astre n’étaient plus qu’à la distance de la Lune, on sut que deux heures plus tard le drame devait commencer.

Contrairement à toute attente, la journée du vendredi 13 juillet fut merveilleusement belle, comme toutes les précédentes : le soleil brilla dans un ciel sans nuages, l’air était calme, la tempéra-