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LA FIN DU MONDE

tard on avait formé des nations plus vastes, on avait supprimé par là les drapeaux et les divisions provinciales, mais on avait continué d’enseigner aux enfants la haine des peuples voisins et de costumer les citoyens dans le seul but de les faire s’entre-exterminer. Il y avait eu d’interminables guerres, sans cesse renouvelées, entre la France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, la Russie, la Turquie, etc. Les engins d’extermination avaient suivi dans leurs perfectionnements les progrès de la chimie, de la mécanique, de l’aéronautique et de la plupart des sciences, et l’on rencontrait même des théoriciens — surtout parmi les hommes d’État — déclarant que la guerre était la loi nécessaire du progrès, oubliant que la plupart des inventeurs dans les sciences et l’industrie, électricité, physique, mécanique, etc., ont tous été, au contraire, les hommes les plus pacifiques et les plus antibelliqueux qui fussent au monde. La statistique avait établi que la guerre égorgeait régulièrement quarante millions d’hommes par siècle, onze cents par jour, sans trêve ni relâche, et avait fait douze cents millions de cadavres en trois mille ans. Que les nations s’y fussent épuisées et ruinées, il n’y avait rien là de surprenant, puisque dans le seul dix-neuvième siècle elles avaient dépensé pour ce beau résultat la somme de 700 milliards. Ces divisions patriotiques, habilement entretenues par les hommes politiques qui en vivaient, avaient long-