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Page:Flammarion - La Fin du monde, 1894.djvu/31

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LA COMÈTE

La comète avait été observée par tout le monde, pour ainsi dire, dès le moment où elle était devenue accessible aux instruments de moyenne puissance. Quant aux classes laborieuses, pour lesquelles les loisirs sont toujours comptés, les lunettes postées sur les places publiques avaient été envahies par une foule impatiente dès la première soirée de visibilité, et tous les soirs les astronomes en plein vent avaient fait des recettes fantastiques et sans précédent. Un grand nombre d’ouvriers, toutefois, avaient leur lunette chez eux, surtout en province, et la justice aussi bien que la vérité nous forcent à reconnaître que le premier en France qui avait su découvrir la comète (en dehors des observatoires patentés) n’avait été ni un homme du monde, ni un académicien, mais un modeste ouvrier tailleur d’un faubourg de Soissons, qui passait la plus grande partie de ses nuits à la belle étoile et qui, sur ses économies laborieusement épargnées, avait réussi à s’acheter une excellente petite lunette à l’aide de laquelle il ne cessait d’étudier les curiosités du ciel. Remarque digne d’attention, jusqu’au vingt-quatrième siècle presque tous les habitants de la Terre avaient vécu sans savoir où ils étaient, sans même avoir la curiosité de se le demander, à peu près comme des aveugles uniquement préoccupés de leur appétit ; mais depuis cent ans environ la race humaine s’était mise à regarder l’univers et à raisonner.

Si l’on veut se rendre compte de la route suivie