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LA FIN DU MONDE

tuelle de notre race plus longtemps que les races animales supérieures, mais dans quelques foyers de civilisation privilégiés seulement ; car l’ensemble de l’humanité, condamné à une irrémédiable misère, était retombé lentement à la barbarie et ne devait plus se relever.

Il ne restait plus que deux groupes de quelques centaines d’êtres humains, occupant les dernières capitales de l’industrie. Sur tout le reste du globe, la race humaine avait à peu près disparu, desséchée, épuisée, dégénérée, graduellement, inexorablement, de siècle en siècle, par manque d’atmosphère assimilable comme par manque d’alimentation suffisante. Ses derniers rejetons semblaient être revenus à la barbarie, végétant comme des sauvages sur une terre d’Esquimaux, et tous mouraient lentement de faim et de froid. Les deux foyers antiques de civilisation n’avaient subsisté, tout en dépérissant graduellement aussi, qu’au prix de luttes incessantes du génie industriel contre l’implacabilité de la nature.

Les dernières régions habitées du globe se trouvaient en deux points voisins de l’équateur, en deux larges vallées occupant le fond des anciennes mers depuis longtemps desséchées, vallées peu profondes, car le nivellement général était presque absolu. On ne voyait plus ni pics, ni montagnes, ni ravins, ni gorges sauvages, ni vallons boisés, ni précipices ; tout était plaine ; fleuves et mers avaient insensiblement disparu.