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LA FIN DU MONDE

jardin rempli de fleurs parfumées. Des oiseaux chantaient dans les nids sous la feuillée. Et, au fond du paysage, les ruines immenses des villes mortes se faisaient encadrer par les plantes et les fleurs. Puis il aperçut un lac sillonné par des oiseaux, et deux cygnes en glissant lui apportaient un berceau, dans lequel un enfant nouveau-né lui tendait les bras.

Jamais un tel rayon de lumière n’avait illuminé son âme. L’émotion fut si vive qu’il se réveilla soudain, ouvrit les yeux, et ne retrouva devant lui que la sombre réalité. Alors une tristesse plus douloureuse encore que celle des jours passés envahit son être tout entier. Il ne put ressaisir un instant de calme. Il se leva, revint à sa couche, attendit le jour avec peine. Il se souvint de son rêve, mais n’y crut pas. Il sentait vaguement qu’un autre être humain existait encore ; mais sa race dégénérée avait perdu en partie les facultés psychiques, et peut-être, sans doute, la femme exerça-t-elle toujours sur l’homme une puissance attractive plus intense que celle de l’homme sur la femme. Lorsque le jour reparut, lorsque le dernier homme revit les ruines de son antique cité se profiler sur la lumière de l’aurore, lorsqu’il se retrouva seul avec les deux derniers morts, il sentit plus que jamais son irrévocable destinée, et, en un instant, se décida à terminer subitement une vie absolument misérable et désespérée.

Se dirigeant vers le laboratoire, il chercha un