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LA FIN DU MONDE

ai vue souvent ; vous êtes la perpétuelle attraction de mon âme. Mais je n’avais jamais osé venir. »

Elle l’avait relevé : « Mon ami, fit-elle, je sais que nous sommes seuls au monde et que nous allons mourir. Une voix plus forte que moi-même m’a ordonné de vous appeler. Il m’a semblé que c’était la pensée suprême de ma mère, suprême, au delà de la mort. Voyez ! elle dort ainsi depuis hier. Combien cette nuit est longue ! »

Le jeune homme s’était agenouillé et avait pris la main de la morte. Ils étaient là tous deux, devant la couche funèbre, comme en prière.

Doucement il se pencha vers la jeune fille.

Leurs têtes s’effleurèrent. Il abandonna la main de la morte.

Eva eut un frisson : « Non ! » fit-elle.

Mais, tout d’un coup, Omégar se leva, terrifié, les yeux hagards. La morte s’était réveillée. Elle avait retiré la main qu’il avait prise dans les siennes ; elle avait ouvert les yeux ; elle fit un mouvement ; elle les regarda.

« Je sors d’un rêve étrange, dit-elle, sans paraître surprise de la présence d’Omégar ; tenez, mes enfants, le voici. »

Étendant la main, elle leur montra dans le ciel la planète Jupiter, qui rayonnait d’un splendide éclat.

Et comme ils regardaient l’astre, ils le virent approcher d’eux, grandir démesurément, prendre la place du paysage polaire, s’offrir dans son étendue à leur contemplation émerveillée.