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DERNIER JOUR

émerveillés, les appareils phonographiques faisaient entendre quand on le voulait les voix des morts illustres, et l’image elle-même de ces morts pouvait apparaître à volonté sur le translucide écran des projections téléphotiques. Dans les vieux coffres métalliques, grands comme des chambres, les mains pouvaient plonger à travers des milliards de monnaies d’or de tous poids et de toutes marques, stérile héritage de richesses inutilement accumulées. Les instruments de physique et d’astronomie qui avaient transformé le monde gisaient dans la poussière. Maîtres du monde, de toutes ses valeurs mobilières et immobilières, possesseurs de tout, ils étaient plus pauvres que les plus pauvres des anciens jours.

« À quoi donc tout a-t-il servi ? disait-elle, en laissant ses yeux errer sur tous ces brillants souvenirs de l’humanité défunte ; oui, à quoi ont servi tous les travaux, tous les efforts, toutes les découvertes, toutes les conquêtes, tous les crimes et toutes les vertus ? Tour à tour, chaque nation a grandi et disparu. Tour à tour, chaque cité a rayonné dans la gloire et dans le plaisir et s’est émiettée en poussière. Les voilà, ces ruines ; la Terre en est couverte. Les anciennes sont ensevelies sous les nouvelles : ruines sur ruines. Les dernières auront le même sort. Des milliards d’hommes qui ont vécu ici, que reste-t-il ? Rien. Et pourquoi donc, ô mon adoré, toi qui sais