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COMMENT LE MONDE FINIRA

que, si nous ne les voyons aujourd’hui qu’à l’état de ruines, ce n’est pas que le sol ait refusé de les soutenir, mais c’est surtout parce qu’ils ont subi les injures du temps et surtout celles de l’homme ? Tempus edax, homo edacior ! Aussi loin que remontent nos traditions, elles nous représentent les fleuves coulant dans le même lit qu’aujourd’hui, les montagnes se dressant à la même hauteur ; et pour quelques embouchures qui s’obstruent, pour quelques éboulements qui surviennent çà et là, l’importance en est si faible, relativement à l’énorme masse des continents, qu’elle ne semble pas donner le pronostic d’une destruction finale.

« Ainsi peut raisonner celui qui n’arrête, sur le monde extérieur, qu’un regard superficiel et indifférent. Mais tout autre sera la conclusion d’un observateur habitué à scruter, d’un œil attentif, les modifications, même d’apparence insignifiante, qui s’accomplissent autour de lui. À chaque pas, pour peu qu’il sache voir, il prendra sur le fait les traces d’une lutte incessante, entamée par les puissances extérieures de la nature contre tout ce qui dépasse cet inflexible niveau de l’océan, au-dessous duquel règnent le silence et le repos. La pluie, la gelée, la neige, le vent, les sources, les rivières, les fleuves, tous les agents météoriques concourent à modifier perpétuellement la surface du globe. Les vallées sont creusées par les cours d’eau et comblées plus tard par les terres entraînées. Tout change sans cesse. Ici, c’est la mer qui bat furieu-