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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 1, 1892.djvu/458

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LA PLANÈTE MARS.
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peut pas servir à la description de l’aspect physique des canaux ; mais elle suffira complètement à montrer les propriétés géométriques et topiques du réseau et de ses éléments.

On verra en premier lieu que, pour la plus grande partie, les canaux suivent un cours peu différent de celui d’un grand cercle de Mars. Il y a cependant quelques exceptions, dont le Phasis, le Simoïs, le Gehon, l’Indus, le Boreosyrtis et surtout le Nilosyrtis offrent les exemples les plus remarquables.

On constatera ensuite une autre propriété, qui est tout à fait générale : tout canal aboutit par ses deux termes, soit à une mer ou à un lac, soit à un autre canal ou à l’intersection de plusieurs autres canaux. Je ne me rappelle pas avoir jamais vu une des lignes s’arrêter court au milieu de l’espace continental, en forme de tronc isolé et sans connexion ultérieure. Ce fait est de la plus grande importance pour l’étude de la nature de ces formations.

Les canaux peuvent se couper deux à deux, sous tous les angles possibles. Il existe sur la planète plusieurs régions où trois, quatre, même six ou sept, se rencontrent sur un petit espace ; cet espace est alors ordinairement distingué par une tache plus sombre, ou un lac, dont la grandeur et l’apparence peuvent varier entre certaines limites. Un nœud très important de cette espèce est le lac du Phœnix (long. 108°, lat. australe 16°) formé par la rencontre de sept canaux, Agathodæmon, Eosphoros, Phasis, Araxes, Eumenides, Pyriphlégéton, Iris, qui en divergent sous forme d’étoile assez régulière. Un autre nœud moins régulier, appelé Trivium Charontis (long. 195°, lat. boréale 17°) est formé par la rencontre plus ou moins excentrique de Cerberus, Læstrygon, Tartarus, Orcus, Erebus, Hades et Styx. Dans le Lacus Ismenius (long. 335°, lat. boréale 40°) convergent l’Euphrates et son prolongement boréal, Protonilus, Deuteronilus, Astaboras, Hiddekel, Jordanis. Il est facile de reconnaître plusieurs autres exemples sur la carte, comme Propontis, Lacus Niliacus, Lacus Tithonius, Lacus Lunæ et le Nodus Gordii, le plus étendu et le plus imparfaitement marqué de tous.

On voit aussi, par l’examen de la carte, que la longueur des canaux peut être très différente ; plusieurs ne dépassent guère 10° ou 15° (Xanthus, Scamander, Eosphoros, Nectar, Ambrosia, Issedon). D’autres, au contraire, suivent sans irrégularité sensible une ligne de grande étendue qui atteint quelquefois au quart de la circonférence de la planète ; tels sont l’Euphrates, qui avec son prolongement boréal arrive de l’équateur jusque près du pôle nord, et l’Erebus-Achéron, qui occupe 90° au moins : en considérant comme prolongations de ce dernier le Dardanus d’un côté et le Cerberus de l’autre qui paraissent s’y rattacher sans solution appréciable de continuité, on aurait une ligne étendue sur une longueur de 160° environ, du lac Niliacus jusqu’à la mer Cimmerium.

La grande uniformité et la composition de tout le système a quelque chose d’étrange et d’inattendu, et l’on serait presque tenté de rechercher si la distribution des lignes n’est pas sujette à quelque loi simple, de même qu’autrefois Élie de Beaumont avait pensé pouvoir assujettir les directions des grandes montagnes de la Terre à son fameux réseau pentagonal. J’ai lieu de croire qu’une