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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 1, 1892.djvu/572

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LA PLANÈTE MARS.

rations géographiques de Mars suffisent-elles pour rendre compte de toutes les variations observées ?

Non.

Des changements réels ont lieu à la surface de la planète, changements qui n’ont rien d’analogue dans ce qui passe à la surface de la Terre.

L’étendue des taches sombres, le ton de ces taches sombres varient incontestablement.

Nous ne parlons pas ici de la variation périodique des neiges polaires suivant les saisons : cette variation est connue, mesurée même depuis longtemps, et expliquée. Nous voulons parler de celle de l’étendue des taches sombres regardées comme mers, lacs ou cours d’eau.

Sans doute, il faut des preuves bien irrécusables pour admettre de telles variations. Ces preuves, nous les avons disséminées, pour ainsi dire, sur toute l’étendue de cet Ouvrage, et nous allons les résumer.

Il se passe là des phénomènes absolument étrangers au monde que nous habitons, et c’est ce qui fait que nous n’arrivons à les admettre qu’après de grandes perplexités, et parce que nous ne pouvons pas faire autrement.

Nous venons d’exposer et de discuter les causes de variations apparentes dans les aspects de Mars. Arrivons aux changements réels.

L’un des plus persévérants et des plus assidus observateurs de la planète Mars, Schrœter, de Lilienthal, dont les observations s’étendent de 1785 à 1803, concluait de ses études qu’il n’y a rien de stable à la surface de ce monde voisin et que toutes les taches que nous y observons sont de nature atmosphérique. L’un des plus anciens observateurs de Mars, Maraldi, exprimait la même opinion dès 1710 sur l’instabilité des taches de Mars. Leurs observations et leurs dessins justifient, jusqu’à un certain point, cette conclusion. Schrœter a fait 230 dessins de la planète : nous avons ces dessins sous les yeux, et nous en avons reproduit 65 ; on comprend fort bien qu’ils aient conduit l’auteur à l’idée de considérer les aspects de Mars comme analogues à ceux de Jupiter et de nature atmosphérique. (Il admettait que les nuages vus d’en haut peuvent paraître plus foncés que le sol ou les eaux.)

Commençons cette étude comparative par la mer la plus caractéristique de Mars, la mer du Sablier, dont nous possédons des dessins depuis l’an 1659. La région qui s’étend à gauche de la mer du Sablier, au-dessous de la mer Flammarion, et qui a reçu le nom de Libye, est particulièrement remarquable au point de vue de ses variations d’aspects, et il est désormais impossible de douter qu’elle ne paraisse tour à tour submergée et découverte. La largeur de la mer du Sablier varie incontestablement, et cette mer déborde souvent à sa gauche. En voici des témoignages certains et déjà séculaires.