Cette idée est la conséquence naturelle des observations faites en ballon. Lorsqu’on passe en ballon à quelques kilomètres au-dessus d’un fleuve, c’est la vallée de ce fleuve qui le représente ; on distingue à peine celui-ci comme un filet marquant le thalweg de ce ruban[1].
Mais comment expliquer leur apparente duplication ? M. Lowell n’en donne pas encore la solution. « Ce qui se passe exactement…, je ne puis prétendre le dire. On a supposé qu’une maturité progressive de la végétation du centre aux bords pouvait donner à une large rangée de vert l’apparence d’être double. Il y a des faits, cependant, qui ne s’accordent pas avec cette explication. »
De l’extrait ci-dessus on peut voir que M. Lowell n’a pas la prétention de tout expliquer. Il semble toutefois probable que, si les canaux sont dus à de la végétation, leurs duplications doivent avoir une origine analogue.
Un des meilleurs exemples que nous ayons sur terre d’une grande étendue fertilisée rapidement par l’inondation d’un grand fleuve, c’est assurément la vallée du Nil. Cependant, en suivant les phases que la campagne subit sur les deux rives, pendant et après l’inondation, il est difficile de se rendre compte des développements observés sur Mars. « Peut-être le système d’irrigation à la surface de cette planète a-t-il été poussé à un extrême degré de développement ; de plus petits canaux parallèles de chaque côté et à quelque distance des grands ont peut-être été creusés, afin d’être remplis et éventuellement séparés du canal principal lorsque les eaux commencent à se retirer. De cette façon, la terre serait mieux fertilisée, d’abord sur les bords du canal principal, puis plus tard sur ceux des plus petits canaux. Un canal commencerait alors par paraître simple ; avec le temps il s’élargirait, et définitivement deviendrait double, les deux bandes les plus fertilisées étant parallèles, mais à quelque distance du canal principal. Les canaux de communication entre le canal principal et les canaux latéraux, ou plutôt la végétation le long de ces lignes, seraient invisibles à cause de leur exiguïté. »
- ↑ Le 15 juillet 1867, à cinq heures du matin, je passais en ballon à 2 500 mètres de hauteur au-dessus du Rhin, au zénith de Cologne. La vallée du Rhin se déroulait admirablement sous nos yeux, de Bonn à Dusseldorf, et produisait l’effet du fleuve lui-même, qui n’était perceptible que comme un mince filet formant la ligne médiane de ce ruban vert. J’ai souvent exprimé depuis la pensée qu’il pouvait en être de même, à plus forte raison, pour les canaux de Mars, vus de si loin.