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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/266

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SCHIAPARELLI. — LA VIE SUR MARS.
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vation de niveau peut suffire à inonder toutes les parties basses des continents et spécialement celles qui sont voisines de l’Océan. En effet, dans cette saison de l’inondation, nous voyons beaucoup plus foncées et plus marquées non seulement les mers intérieures, Adriatique, Tyrrhénienne, Cimmérienne, des Sirènes, etc., mais encore les détroits plus ou moins vastes qui les unissent à l’Océan, et l’Océan lui-même. Les golfes qui découpent le continent deviennent plus visibles, et avec eux plusieurs des grands canaux qui, de l’Océan, directement se poussent dans les terres ; par exemple la grande Syrte et la Nilosyrtis qui en procède. Cette grande extension de l’Océan, pourtant, n’arrive pas jusqu’aux contrées plus intérieures des continents et aux régions boréales plus élevées.

La fonte des neiges australes a pour effet de faire sortir les mers de leur lit et d’occasionner çà et là des inondations partielles vers les rivages. Il est douteux que ce fait puisse être favorable à la vie organique et aux habitants de la planète. De telles usurpations périodiques de la mer sur les continents ressemblent en grand au flux et au reflux de nos marées, qui n’est pas une bénédiction pour la Hollande et le littoral nord-ouest de l’Allemagne, dont les habitants se défendent comme ils peuvent à l’aide de digues. Pour Mars, la nature chimique de la substance dissoute dans l’Océan devrait être prise en considération. Si, par exemple, cette eau est salée comme celle de nos mers, la zone envahie à chaque retour de l’été (tous les 23 mois) pourrait servir à la formation de vastes salines ou donner lieu à une végétation d’un caractère spécial. En aucun cas cette eau ne pourrait servir à la culture et aux travaux agricoles tels que nous les pratiquons.

Tout différent est l’état de choses résultant de la fusion des neiges boréales. Situées au centre du continent, les masses liquides produites par cette fusion se répandent à la circonférence de la région neigeuse et convertissent en mer temporaire une large zone de terre, et, descendant vers les régions plus basses, produisent une immense inondation parfaitement observable d’ici. Cette inondation s’étend en ramifications nombreuses et donne naissance à de vastes lacs, au lac Hyperboreus, à la mer Acidalienne. De grandes traînées d’eau se dirigent vers l’hémisphère austral et vers l’Océan, bassin naturel des eaux martiennes.

La neige est le produit d’une distillation atmosphérique, dans laquelle l’eau est à son maximum de pureté. Autrement, l’évaporation de nos mers conduirait à la formation de pluies d’eau salée et de neige salée. Mais le sel ne s’évapore pas. L’eau des pluies et des neiges est douce et pure. La grande inondation boréale de Mars résultant de la fonte des neiges sur le sol est donc de l’eau douce. S’il y a là une vie organique, son entretien est dû surtout à cette eau. Et s’il y a sur Mars une population d’êtres raisonnables capables de combattre la nature et de la contraindre à servir ses besoins, la distribution régulière de cette eau douce sur les régions aptes à la culture doit constituer le problème principal et les préoccupations continuelles des ingénieurs et des statisticiens.

Nous sommes très privilégiés sur la Terre, La pluie tombe gratuitement, et