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Page:Flammarion - Mémoires biographiques et philosophiques d'un astronome, 1912.djvu/73

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mémoires d’un astronome

prendre dans un sabot de longues bûches de paille soufrée, que l’on allumait au charbon conservé sous les cendres. C’étaient des pailles de chanvre nu, restées après le tillage, et qui n’avaient aucune valeur. La stricte économie de ces campagnes nous paraît aujourd’hui fantastique. Au dehors, il n’y avait que le briquet et l’amadou. On n’avait pas découvert les propriétés du phosphore frotté. Le foyer, c’était la maison, c’était la famille, c’était tout. Le nombre des maisons du village s’appelait le nombre des feux. La lampe du temple ne devait jamais s’éteindre, et l’histoire n’a pas oublié le service imposé, sous peine de mort, aux Vierges de Vesta, dans le temple de Rome. Il n’y a plus de vestales aujourd’hui : une allumette les remplace ; et les vierges du vingtième siècle peuvent laisser s’éteindre tous les feux : elles sont sûres de les rallumer par un simple geste.

Eh bien ! Il n’y a pas longtemps que les allumettes sont inventées. J’ai connu l’un de ces inventeurs, Charles Sauria, qui l’imagina en 1831, à l’âge de 19 ans, étant élève du collège de Dôle, et camarade de Jules Grévy, le futur président de la République, lequel m’en a lui-même raconté l’histoire pendant sa présidence, en m’apprenant qu’il lui avait accordé un bureau de tabac. Ce fut, je crois, sa seule récompense. Les deux autres inventeurs : Kammerer (Wurtembergeois), en 1832 ; et Tronig (Hongrois), en 1833, sont morts dans la misère.

Le télégraphe, le téléphone, ne produisent-ils pas la même impression dans nos esprits ? Pourtant, personne ne paraît savoir que c’est la science qui mène le monde et que, sans elle, nous serions encore des troglodytes au fond des cavernes. Oui, c’est à la