Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/105

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compte, cela est de rigueur. Reste jusqu’au mois de janvier, si tu veux, pour te rétablir, te panser, te rengraisser ; mais, pour Dieu, viens fumer le calumet de la paix. Je t’écris ceci sur mon carton dans la classe de ce bon père Gors qui disserte sur le plus grand commun diviseur d’un emmerdement sans égal, qui m’étourdit si bien que je n’entends goutte, n’y vois que du feu. Je te prie de ne pas oublier de m’envoyer ton cours de mathématiques, celui de physique et celui de philosophie. C’est surtout du premier dont j’ai grand besoin. Il va falloir barbouiller du papier avec des chiffres. Je vais en avoir de quoi me faire crever. Et le grec, à qui il faut songer et que je ne sais pas lire ! et je suis dans les hautes classes ! Nom de Dieu ! Quelle hauteur ! Et la philosophie, la plus belle des sciences, celle qui est la fleur, la crème, le suprême, l’excrément de toutes les autres ! et la troisième édition du fameux manuel, enrichie d’une couverture de papier rose et de nouveaux plagiats. Tout cela me bastonne à en avoir les os rompus. Mais je me récrée à lire le sieur de Montaigne dont je suis plein ; c’est là mon homme. En littérature, en gastronomie, il est certains fruits qu’on mange à pleine bouche, dont on a le gosier plein, et si succulents que le jus vous entre jusqu’au cœur. Celui-là en est un des plus exquis.

Adieu, mon vieux, bonne santé. Ma sœur va de mieux en mieux, quoique toujours au régime. Ne m’oublie pas auprès de tes excellents parents.