Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/134

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maintenant ? Les gens du bagne, peut-être, qui ont de l’orgueil !

Le temps n’est plus où les cieux et la terre se mariaient dans un immense hymen. Le soleil pâlit, et la lune devient blême à côté des becs de gaz. Chaque jour quelqu’astre s’en va ; hier c’était Dieu, aujourd’hui l’amour, demain l’Art. Dans cent ans, dans un an peut-être, il faudra que tout ce qui est grand, que tout ce qui est beau, que tout ce qui est poète enfin, se coupe le cou de désœuvrement ou aille se faire renégat en Turquie.

Je suis légèrement empiffré ; pardonne-moi tout ceci. Tu es venu à Rouen, je n’y étais pas ; sort heureux ! Dans dix jours environ je serai de retour ; tu reviendras, j’y compte.

Adieu […], je t’embrasse, mon vieil ami.

Tout à toi.

52. AU MÊME.
[Rouen, 25 novembre 1841.]

Il me semble que tu deviens bien élégiaque. Est-ce que tu te livrerais à la lecture de M. de Bouilly, ou à celle du vénérable Tissot ? Tu parles des ennuis de la capitale comme un sage, et les plaisirs de famille te semblent préférables aux plaisirs du monde. S’ils sont plus vertueux, ils sont un peu moins vifs, conviens-en ! […] J’ai été fâché de ne pas trinquer ensemble avant mon départ, d’autant plus que je t’avais donné la veille une assez pitoyable idée de moi, en ne buvant pas et en ne mangeant pas. J’étais horriblement fatigué aux