Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/149

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l’air est vif, le vent chante dans les trous des montagnes.

Le pâtre y siffle seul ses chiens vagabonds, la poitrine ouverte y respire à l’aise et l’air est embaumé de l’odeur du mélèze. Qui me rendra les brises de la Méditerranée ? car sur ses bords le cœur s’ouvre, le myrte embaume, le flot murmure.

Vive le soleil, vivent les orangers, les palmiers, les lotus, les nacelles avec des banderoles, les pavillons frais, pavés de marbre, où les lambris exhalent l’amour !

Ô ! si j’avais une tente faite de joncs et de bambous au bord du Gange, comme j’écouterais toute la nuit le bruit du courant dans les roseaux, et le roucoulement des oiseaux qui perchent sur des arbres jaunes !

Mais, nom de Dieu ! est-ce que jamais je ne marcherai avec mes pieds sur le sable de Syrie ? quand l’horizon rouge éblouit, quand la terre s’enlève en spirales ardentes et que les aigles planent dans le ciel en feu. Ne verrai-je jamais les nécropoles embaumées où les hyènes glapissent, nichées sous les momies des rois, quand le soir arrive, à l’heure où les chameaux s’assoient près des citernes ! On les entend roter et fienter.

Dans ces pays-là, les étoiles sont quatre fois larges comme le nôtres, le soleil y brûle, les femmes s’y tordent et bondissent dans les baisers, sous les étreintes. Elles ont aux pieds, aux mains, des bracelets et des anneaux d’or, et des robes en gaze blanche.

Seulement, quelquefois, quand le soleil se couche, je songe que j’arrive tout à coup à Arles ; le crépuscule illumine le cirque et dore les tom-