Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/151

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le temps, adieu, revenez une autre fois, travaillons, morbleu ! mon examen, f… sacré Dieu, je n’ai pas trop de temps, etc.

Je n’ai point su où tu étais depuis environ un mois ; aussi je me résigne aller voir à Paris si tu n’y es pas. Ainsi mardi prochain vers les midi je demanderai à ton portier : « Monsieur Chevalier est-il chez lui ? » et si on me dit « non », je pousserai un sacré nom de Dieu bien conditionné. Je resterai dans cette bonne vieille ville de Paris environ 15 jours. Il fait assez beau temps depuis hier et il doit y avoir le soir, sur le boulevard, bon nombre de prostituées décolletées, entre la rue de Grammont et la rue Richelieu surtout. C’est là le beau, le moment suprême à Paris, et heure de 8 heures du soir me fait songer à l’antiquité. C’est là une vue qui console de bien des misères, et n’est-ce pas être bien organisé que de se réjouir d’une chose qui afflige les moralistes et les philanthropes ? — Bienfait des philanthropes et des moralistes : deux jeunes garçons sont morts à Rouen, dans la maison pénitentiaire, par suite d’une punition assez gaillarde qui consistait à les faire tenir debout plusieurs jours de suite dans une boîte à horloge (peut-être pour leur apprendre combien le temps était précieux) ; leur faute était d’avoir ri pendant la leçon, leur faute d’avoir ri ! […]

Adieu, étudie bien, médite la moralité humaine et la justice des Codes, et gagne de l’appétit en prenant de l’absinthe.

Je t’embrasse de tout cœur.