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CORRESPONDANCE

Mais tu n’as pas compris ! non ! rien ! Un sarcasme là-dessus ! Allons ! c’est bon ! n’en parlons plus !

Causons plutôt de mercredi prochain, que j’aspire avec convoitise. Pourquoi me dire que tu y seras triste ? Pourquoi, encore une fois, cherches-tu des souffrance dans l’avenir ? Tu n’as donc pas assez de celles du présent ?

Ton histoire de la dame du Château-Rouge[1] m’a beaucoup ému. Tu as bien fait de me l’avoir contée. Je ne sais qu’en penser ; elle est étrange et singulière, j’y rêve depuis tantôt. J’aurais bien voulu la voir, cette femme ; c’était une bonne étude. J’ai assez travaillé ces matières-là et j’aurais peut-être trouvé de suite la solution de tes doutes. Il faut, quand tu la reverras, savoir à quoi t’en tenir ; et il faut tâcher de la revoir.

Il y a peut-être là-dessous de belles choses. Il y en a peut-être d’infâmes. Qui sait ? Pourquoi suspecter le vice tout d’abord ? Qu’en savons-nous ? Moi, sous les belles apparences, je cherche les vilains fonds ; et je tâche de découvrir, en dessous des superficies ignobles, des mines irrévélées de dévouement et de vertu. C’est une manie assez bonne, qui vous fait voir du nouveau où on ne se douterait pas qu’il existe. Pourquoi cette femme, par exemple, qui voulait de suite te connaître, entrer dans ta vie, ne serait-elle pas prise pour toi d’une passion sincère et dévouée ? Qui te dit qu’elle ne se présentait pas envoyée exprès pour accomplir en ta faveur quelque sacrifice dont tu

  1. Cette ancienne résidence historique fut bâtie par Henri IV pour Gabrielle. Située chaussée de Clignancourt, elle devint un lieu de plaisirs comparable à la Closerie des Lilas, la Chaumière et Mabille.