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CORRESPONDANCE

cette manie qu’ont les hommes de montrer leurs plaies à ceux que cette vue doit faire souffrir, d’aller chercher le cœur qui vous aime pour le rendre témoin de votre fièvre et de votre tranchée. Cette pratique commune est d’un égoïsme révoltant ; et, si tu veux ici que je t’avoue une faiblesse, une misère de ma nature, je serais gêné de toi dans cet état qui est toujours ridicule. J’ai de la pudeur pour de certaines positions grotesques qui m’intimident auprès de toi. Mais est-ce que je peux être malade ? Est-ce que mon talisman n’est pas là-bas ? Ton amour, n’est-ce pas un préservatif contre tout malheur ?

Adieu ma vie, un long baiser ; je passe la main sous tes papillotes, et j’en soulève légèrement le bout.


160. À LA MÊME.
Entièrement inédite.
Mardi matin, 20 octobre 1846.

Qu’est-ce qu’il y a ? Es-tu malade ? Une de mes lettres a-t-elle [été] égarée ? ou une des tiennes ? Depuis jeudi matin pas un mot. De grâce, réponds-moi, réponds-moi de suite.

J’ai des inquiétudes atroces, je suis en proie à mille soupçons épouvantables. Je ne sais que m’imaginer ni que dire. Je ne peux pas même t’écrire, car je ne sais que dire, si ce n’est que je t’aime, que je t’adore, que je t’embrasse.

Voilà quatre grands jours que je brûle d’im-