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CORRESPONDANCE

165. À LOUISE COLET.
Entièrement inédite.
Vendredi 13 novembre 1846.

Que te dire, que te faire ? Ah ! tu as refusé mon baiser d’adieu ; prendras-tu mon baiser de retour ? Bientôt m’appelleras-tu encore « vous » ?

Sais-tu qu’il n’y a pas de reproche qui vaille tes larmes, pas d’outrages ni d’injures qui m’aient été plus sanglants ni plus amers que ce désespoir navrant avec lequel tu m’as flagellé ? Mon cœur en porte la marque.

Crois-tu que je n’en ai pas souffert ? Mais non : parce que je ne pleure pas, tu m’appelles égoïste ; parce que j’ai manqué à ton rendez-vous, tu m’appelles traître, tu me méprises. Et ce rendez-vous, je l’ai manqué par pudeur. Cela t’étonne de moi, n’est-ce pas, qui en ai si peu. Eh oui ! Avec Phidias, à quatre, ç’eût été du monde ; avec Maxime seul, une demi-intimité. Quand quelque chose cloche à moitié, j’aime mieux que tout cloche entièrement.

Je te voulais, je te voulais encore, j’avais mille choses à te dire. Jamais tu ne m’avais parue plus belle que ce jour-là, plus enviable, plus charmante. Tu crois que je ne veux de toi que le plaisir. Est-ce que j’aime le plaisir ? Est-ce que j’ai des sens ? Et tu m’accuses de manquer de cœur. Il ne me reste donc rien. C’est possible ; que sais-je ?

Tiens, je voulais t’écrire longuement, mais je ne trouve rien à te dire. Je suis troublé, agité, le