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DE GUSTAVE FLAUBERT.

que c’est beau et très beau ? Tu as été inspirée, et je maintiens mon dire : tu n’as rien fait de mieux. J’ai été ému de cette lecture, et j’ai tressailli de tendresse pour toi. Ce sera un trésor pour mes vieux jours, et il me semble déjà que je me vois avec des cheveux blancs, cassé et toussant dans mon fauteuil, me levant pour aller prendre dans un tiroir ce petit carnet de maroquin.

Je te renverrai par Max le prologue. Ça ferait un certain effet à la scène, à cause de la vivacité du dialogue, dont les coupes sont peut-être parfois un peu intentionnelles. Il y a quelques contradictions dans le caractère ou plutôt dans le débit des personnages. Il est fâcheux en somme que tu n’aies pas donné suite à cette œuvre.

Oui, je repense souvent à la soirée de Novembre, et aux pleurs que tu versais quand tu faisais des allusions involontaires ; mais je n’en persiste pas moins à croire que tu estimes cela trop. J’ai été même indigné que tu aies comparé ce livre à René. Ça m’a semblé une profanation. Pouvais-je te le dire, puisque c’était une preuve d’amour ?

Il neige, il fait froid, nous allons dîner à la campagne, chez mon beau-frère qui s’en fait une fête, mais pas moi. Je n’aime pas tous ces dérangements-là. Heureusement que nous serons revenus à dix heures. J’ai fait ta commission du sucre de pomme.

Adieu cher amour ; je t’embrasse sur ta peau si fine. Mille tendres baisers.