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CORRESPONDANCE

Pradier qui s’est écrié (il faisait très beau soleil) : « Fameux, fameux ! Savez-vous ce que j’ai vu ce matin à mon baromètre ? Beau fixe. C’est bon signe ; je suis superstitieux, ça m’a fait plaisir. » Toi qui connais l’homme, tu peux t’imaginer la scène augmentée de son chapeau, de ses longs cheveux, etc. C’était dans la même cour où je me suis embarqué pour la Corse, à la même place, à peu près à la même heure. Le premier voyage a été bon, le deuxième sera de même, pauvre vieille. Tous les gens que nous voyons nous l’affirment. À Lyon, nous avons vu Gleyre[1], un peintre qui a longtemps habité l’Orient (5 ans) ; il a été jusqu’en Abyssinie. D’après ses conseils nous resterons peut-être plus longtemps en Égypte que nous ne lavions décidé, quitte à sacrifier ou à bâcler le reste de notre voyage. Ce qu’il y a de certain, c’est que déjà nous avons retranché le Kurdistan, pays compris entre la Syrie du Nord et la Perse. C’est trois mois de moins et le seul passage qui offrît quelque danger. Nous prendrions les bateaux à vapeur et un voyage de quatre mois se réduirait à quinze jours. Au reste, il n’est question maintenant que de l’Égypte et nous ne pensons qu’à elle. Le reste dépendra de mille choses et surtout de toi. Si tu t’ennuies trop, si tu me rappelles, tu sais bien que je reviendrai, pauvre vieille.

Nous venons à l’instant de faire une visite à Clot-Bey qui, au lieu d’être au Caire, se trouve à Marseille. Il va nous charger de lettres et de recommandations. Selon lui, un voyage en Égypte

  1. Voir Notes de Voyages, I, p. 81.