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DE GUSTAVE FLAUBERT.

mêmes livres, ou me rôtissant les jambes dans mon fauteuil et fumant une pipe, comme toujours. Je continue mon grec, je lis Théocrite, Lucrèce, Byron, saint Augustin et la Bible. Voilà pour le moment les historiettes que je m’inculque dans le cerveau. Tous les trois mois à peu près, il se trouve que je vais à Paris pendant un jour ou deux me retremper, et puis je reviens ici. Je m’ennuie le premier jour que je suis de retour, comme on s’ennuie toutes les fois qu’on a rompu à ses habitudes et qu’il vous faut les reprendre. L’homme est une si triste machine qu’une paille mise dans le rouage suffit pour l’arrêter.

Rien de neuf ici ; tout suit son train. Ma mère toujours triste. L’enfant[1] marche, vit et vagit. Le sieur Alfred est à la Neuville en ne faisant pas grand’chose et étant toujours le même être que tu connais, et le bourgeois de Rouen est toujours quelque chose de gigantesquement assommant et de pyramidalement bête. Au reste je n’en vois guère, mais c’est néanmoins humiliant de penser qu’on respire le même air. Adieu, cher ami, à toi, ton vieux.


189. À LOUISE COLET.

Entièrement inédite.

Samedi matin [Rouen, 20 mars 1847][2].

Je n’ai gardé de notre dernière entrevue ni irritation ni colère. J’ai pu en être blessé, mais quant

  1. Fille de sa sœur Caroline décédée le 20 mars 1846.
  2. Louise Colet a fait suivre « Samedi matin » de ces mots : juste un mois après la scène de l’hôtel.