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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/61

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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Dis-moi que tu es sinon heureuse, du moins calme. Le bonheur est un mensonge dont la recherche cause toutes les calamités de la vie. Mais il y a des paix sereines qui l’imitent et qui sont supérieures peut-être.

Adieu encore, je te serre tendrement les mains, en dedans, et je t’embrasse sur l’âme. À toi.


207. À LOUISE COLET.

En partie inédite.

Mardi, minuit. [Croisset, octobre 1847.]

Je n’ai rien compris à ce que tu me dis, chère amie, relativement aux livres que je t’ai envoyés. Ne m’avais-tu pas demandé La Jeunesse de Gœthe ? Tu m’avais écrit que tu n’en avais pas d’autre exemplaire, et que tu avais besoin de cet ouvrage. Encore une faute que j’ai faite ! À ce qu’il paraît, qu’il est écrit dans le livre du destin que la plus insignifiante de mes actions te doit causer du chagrin ou de l’embarras. J’ai beau faire ou ne pas faire, c’est tout un.

Quand je ne t’écris pas, tu trouves que je t’oublie ; quand je t’écris, je te blesse. Que j’agisse ou que je me tienne tranquille ; je te déchire !… Ce n’est pas toi que j’accuse, c’est une réflexion que je fais et que malheureusement je trouve très juste.

Est-ce que l’officiel est sans cesse sur ton dos et empeste toujours ta vie de sa présence ? C’est le plus grand supplice que l’on puisse endurer que de vivre avec des gens qu’on n’aime pas.