Aller au contenu

Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
DE GUSTAVE FLAUBERT.

C’est bien, c’est bien, c’est bon. Nous ne valons quelque chose que parce que Dieu souffle en nous. C’est là ce qui fait même les médiocres forts, ce qui rend les peuples si beaux aux jours de fièvre, ce qui embellit les laids, ce qui purifie les infâmes : la foi, l’amour. « Si vous aviez la foi vous remueriez les montagnes. » Celui qui a dit cela a changé le monde, parce qu’il n’a pas douté.

Garde-moi toujours cette rage-là. Tout cède et tout pète à la fin, devant les obstinations suivies. J’en reviens toujours à mon vieil exemple de Boileau : ce gredin-là vivra autant que Molière, autant que la langue française, et c’était pourtant un des moins poètes des poètes. Qu’a-t-il fait ? Il a suivi sa ligne jusqu’au bout et donné à son sentiment si restreint du Beau toute la perfection plastique qu’il comportait.

Ta Paysanne a du mal à paraître. C’est justice. Voilà une preuve que c’est beau. Pour les œuvres et pour les hommes médiocres, le hasard est bon enfant. Mais ce qui a de la valeur est comme le porc-épic, on s’en écarte. Une des preuves qui m’auraient convaincu de la vocation de Bouilhet, si j’en eusse douté, c’est qu’à Rouen, dans son pays et où il est connu, pas un journaliste n’a même cité son nom. On objectera qu’ils ne peuvent le comprendre, et j’accepte l’objection qui me donne raison. Ou bien c’est qu’ils l’envient, et qu’ils font bien alors ! De même l’ami Gautier fait des réclames pour E. Delessert, qu’il connaît à peine, et ne souffle mot de l’ami Bouilhet. Est-ce clair ? Envoie demain, à n’importe quel journal, ta Paysanne éreintée, fais-y une fin sentimentale, une nature factice, des paysans vertueux, quel-