stupide, elle finira par s’énamourer de quelque intrigant, porteur d’une figure pâle et adressant des vers aux étoiles comparées aux femmes, lequel lui mangera son argent, et la laissera ensuite avec ses beaux yeux pour pleurer, et son cœur pour souffrir. Ah ! comme on perd de trésors dans sa jeunesse ! Et dire que le vent seul ramasse et emporte les plus beaux soupirs des âmes ! Mais y a-t-il quelque chose de meilleur que le vent et de plus doux ? Moi aussi, j’ai été d’une architecture pareille. J’étais comme les cathédrales du XVe siècle, lancéolé, fulgurant. Je buvais du cidre dans une coupe de vermeil. J’avais une tête de mort dans ma chambre, sur laquelle j’avais écrit : « Pauvre crâne vide, que veux-tu me dire avec ta grimace ? » Entre le monde et moi existait je ne sais quel vitrail, peint en jaune, avec des raies de feu et des arabesques d’or, si bien que tout se réfléchissait sur mon âme comme sur les dalles d’un sanctuaire, embelli, transfiguré et mélancolique cependant, et rien que de beau n’y marchait. C’étaient des rêves plus majestueux et plus vêtus que des cardinaux à manteaux de pourpre. Ah ! quels frémissements d’orgue ! quels hymnes ! et quelle douce odeur d’encens qui s’exhalait de mille cassolettes toujours ouvertes ! Quand je serai vieux, écrire tout cela me réchauffera. Je ferai comme ceux qui, avant de partir pour un long voyage, vont dire adieu à des tombeaux chers. Moi, avant de mourir, je revisiterai mes rêves.
Eh bien, c’est fort heureux d’avoir une jeunesse pareille et que personne ne vous en sache gré. Ah ! à dix-sept ans si j’avais été aimé, quel